45km
180m
Découvrir un joyau de l’architecture moderne en banlieue au moyen des trames bleues ! Voilà qui résume bien le programme de cette ride “secrète” dont le nom garde la mémoire de son ébauche en période de confinement.
La balade démarre dans l’est parisien sur le parvis de la Philharmonie de Paris, diamant contemporain et réalisation emblématique qui continue, presque 10 ans après sa livraison, à faire couler beaucoup d’encre (et d’argent) dans le milieu de l’architecture et de la construction publique.
Le parcours file ensuite le long du canal de l’Ourcq, pour profiter de la fraîcheur du cours d’eau tout en admirant le nouveau visage de la Plaine de l’Ourcq, marqué par les constructions neuves des nombreuses opérations d’aménagement de Pantin à Bondy en passant par Bobigny, Romainville et Noisy-le-Sec.
Aux Pavillons-sous-Bois, il est temps de dire au revoir au canal : décrochage pour rejoindre Notre-Dame du Raincy et arrêt obligatoire pour visiter l’intérieur de cette église en béton dessinée par Auguste Perret, bijou du 20ème siècle, et s’émerveiller devant les vitraux de Marguerite Huré.
Direction ensuite Gagny et Neuilly-sur-Marne pour retrouver l’eau et les rives de la Marne, et rentrer à Paris sur le chemin des guinguettes et de la flânerie au Bois de Vincennes.
Singularités
Trajet principalement plat, avec possibilité de raccourcir le parcours en s’arrêtant au Bois de Vincennes au retour (35km au lieu de 46km).
Avant le départ
- Prévoir le pique-nique pour un stop sur les berges de Marne ou avant, au spot bien caché de l’île du Lac de Maison Blanche
Au retour
- Arrêt recommandé chez Gégène, guinguette historique des bords de Marne, pour une ambiance “retour dans les années 50”
Quelques photos
Points d’intérêts majeurs
La Philharmonie de Paris
L’histoire débute avec la vision de Pierre Boulez, chef d'orchestre et compositeur, pionnier de la musique électronique. Dans les années 70 et 80, dirigé par son ambition de créer une salle à l'acoustique exceptionnelle à Paris, il tisse des liens avec François Mitterrand au moment de la création de la Villette et de la Cité de la Musique. Cependant, les contraintes budgétaires amènent l’Etat à privilégier la construction de l'opéra Bastille pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, laissant en suspens le rêve de Boulez.
Les années suivantes ne sont pas favorables, mais l’idée persiste grâce à Pierre Boulez. En 2005, l'alignement politique entre la Mairie de Paris et le Premier ministre (Delanoë / De Villepin) déverrouille le projet, désignant l'emplacement et lançant le concours architectural sur une base budgétaire de 110 millions d’euros. Le concours devient un champ de bataille international entre grands noms comme Jean Nouvel, Francis Soler et Zaha Hadid. Le projet de Jean Nouvel l’emporte finalement sur la base d’un coût prévisionnel de 120 millions malgré les réserves des architectes présents dans le jury.
Jean Nouvel choisit l'aluminium comme matériau principal pour la Philharmonie. La conception, fruit d'une collaboration avec Brigitte Métra et plusieurs acousticiens, allie transparence et jeu de lumière. En 2010, le coût estimé grimpe déjà à 180 millions. Il explose au moment du choix de l’entreprise de travaux, quand Bouygues est retenu pour 306 millions. De plus, le chantier se révèle tumultueux : les petites entreprises sélectionnées en 2010 flanchent, Bouygues établit des contrats en direct avec le commanditaire, écartant régulièrement les maîtres d’oeuvre. La controverse s'intensifie, mettant en péril le projet. En 2015, la Philharmonie voit enfin le jour, pourtant sans la présence de Nouvel à l'inauguration. Le coût total s'élève à 386 millions.
Aujourd'hui, la Philharmonie affiche un succès éclatant avec 1,6 million de visiteurs par an en 2019 et un taux d'occupation de 93%. Cependant, les contentieux entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre persistent, avec des réclamations croisées de plus de 100 millions liées aux retards. A la question “Est-il nécessaire de sous-évaluer le coût d'un projet pour le vendre ?”, l'histoire de la Philharmonie offre une leçon complexe sur les compromis entre art, politique et réalité financière.
Pour aller plus loin
https://www.lemoniteur.fr/article/happy-end-a-la-philharmonie-de-paris.2170817
https://www.telerama.fr/sortir/brigitte-metra-l-archi-douee,131956.php
La Plaine de l’Ourcq
Le projet d'aménagement le long de la Plaine de l'Ourcq s’inscrit au cœur d'une riche histoire fluviale. La rivière Ourcq, prenant sa source dans l'Aisne pour se jeter dans la Marne, devient dès le 16ème siècle une voie d'acheminement de bois de chauffage vers Paris. Au 19ème, Napoléon, impulse la création d'un canal de 96,7 km pour pallier les pénuries d'eau à Paris. Commencés en 1802 et achevés en 1821, les travaux amènent eau potable et nouvelles voies de transport.
Le canal de l’Ourcq transforme le paysage urbain, décuplant les ressources en eau et alimentant fontaines et canaux parisiens. La navigation commerciale se développe sur ses onze premiers kilomètres, le reliant à la forêt de Villers-Cotterêts. Le quartier de la Villette se densifie, tandis que la navigation de plaisance remplace la batellerie marchande. La plaine de l'Ourcq, s'étirant sur 11 km, se révèle idéale pour un projet d'envergure.
Le grand projet d'aménagement de la Plaine de l'Ourcq naît en 2007 dans le cadre des ateliers “La Fabrique du Grand Paris”, fruit des travaux de la communauté d’agglomération Est Ensemble, qui réunit les communes concernées, de l’Atelier parisien d’urbanisme et de plusieurs équipes d’architectes-urbanistes (Christian Devillers, Antoine Grumbach, Bernard Reichen et Myriam Swarc). Ces ateliers aboutissent à une vision ambitieuse : créer un nouveau morceau de ville pour accueillir 30 000 habitants en dix ans.
L’aménagement de plus de 115 hectares est confié à la Sequano avec un programme comprenant 5 600 logements, des commerces, des espaces d'activités et des équipements publics. Plusieurs sous-quartiers émergent, tous inscrits dans la logique d’ensemble de continuité le long du canal, comme le quartier du Port à Pantin centré autour de la rénovation des Magasins Généraux devenus siège de l’agence de publicité BETC ou le quartier de l’Horloge à Romainville.
Aujourd’hui, les bâtiments neufs fleurissent le long du canal, les nouveaux.elles habitant.e.s prennent progressivement leurs marques et redonnent vie à cet espace longtemps sous-occupé. Mais un enjeu demeure autour de l’arrivée des transports publics, très en retard par rapport à l’afflux de population, et les interactions avec les centres-villes anciens et les quartiers populaires existants de ces communes pauvres de Seine Saint-Denis.
Pour aller plus loin
https://www.youtube.com/watch?v=RHb6ujTeaJg
Notre-Dame du Raincy
Auguste Perret, architecte français majeur du début du 20ème siècle, se distingue par son utilisation systématique du béton. Il collaborait souvent avec ses frères, Gustave, architecte et entrepreneur, et Claude, gestionnaire. Ses réalisations parisiennes notables incluent le Théâtre des Champs-Élysées et le Palais d’Iéna. Cependant, il acquiert une renommée mondiale pour la reconstruction de la ville du Havre après la guerre, combinant ses talents d'architecte et d'urbaniste. Bien que son travail n'ait pas toujours été unanimement salué, la perception de son architecture a évolué. Sa consécration intervient avec l'inscription du Havre au patrimoine mondial de l'Unesco en 2005.
L'église du Raincy, qui est l’une de ses premières réalisations, a été achevée en 1923 en un temps record de 13 mois. Erigée à la suite de la Première Guerre mondiale, grâce à un don substantiel, elle rend hommage aux 50 000 victimes de la bataille de la Marne. Son nom complet est d’ailleurs "Notre-Dame de la Consolation".
Le coût initial de 300 000 francs ne représentait pas une somme considérable pour l'époque. Les frères Perret, ayant déjà soumis un projet d'église à 10 000 francs lors d'un précédent concours, relevèrent le défi avec brio. Bien que le coût final ait atteint 600 000 francs, les Perret en ont assumé une partie du dépassement.
L'architecture de l'église du Raincy s'inspire du plan basilical traditionnel, avec trois nefs, une tour-porche imposante de 45 mètres de hauteur, et une nef inclinée vers un chœur surélevé. Trois choix audacieux marquent cette réalisation : la structure, l'usage du béton armé exposé, matériau souvent méprisé, et le processus de construction préfabriqué et standardisé.
À l'intérieur, des faisceaux de colonnes en béton encadrent des rubans de verrières, permettant à la lumière de pénétrer. Les vitraux de Maurice Denis, exécutés par la maîtresse verrière Marguerite Huré, enrichissent l'église de leur programme iconographique illustrant la vie de la Vierge et la victoire de la Marne.
Cette église du Raincy a influencé de nombreuses autres œuvres des frères Perret et continue de marquer l'histoire de l’architecture. Classée Monument Historique depuis 1966, elle a fait l'objet d'une restauration dans les années 1990. Récemment, elle a été intégrée au “loto du patrimoine” de Stéphane Bern, soulignant ainsi la reconnaissance dont elle bénéficie désormais.
Pour aller plus loin
https://www.notredameduraincy.fr/les-vitraux/
Les guinguettes des bords de Marne
Les guinguettes d'Île-de-France, établissements de loisirs en plein air le long des rivières, ont une histoire riche en convivialité, musique et danse. Elles ont émergé dès le 17ème siècle en tant que modestes débits de boissons, offrant du vin à prix modique car localisées en dehors des barrières de l’octroi parisien (une taxe sur les marchandises).
A partir du 18ème siècle, elles se sont diversifiées, intégrant cuisine, musique et danse, jusqu’à devenir grâce au développement des lignes de chemin de fer Paris-banlieue un emblème de la culture populaire parisienne, attirant ouvrier.e.s, artistes et intellectuel.le.s.
A l'apogée des guinguettes au 19ème siècle, des centaines d’établissements peuplaient les bords des rivières franciliennes. Les rives de Marne étaient particulièrement prisées pour le canotage, la baignade (avec de nombreux établissements de bain couvert) et les bals populaires immortalisés par les impressionnistes - pensez au “Déjeuner des canotiers” de Renoir.
Après un déclin temporaire au début du 20ème, les guinguettes ont connu un second âge d’or après la Seconde Guerre Mondiale, avec l’ère des dancing et des bals musettes réunissant la jeunesse francilienne aspirant à la légèreté. Le coup de grâce est porté dans les années 60 avec l’interdiction de la baignade dans les rivières (jugées trop polluées, et trop dangereuses du fait de l’important trafic de péniches desservant la capitale). Face à la concurrence de nouveaux modes de divertissement, la plupart des établissements ferment progressivement au cours des années 70 et 80.
Les guinguettes restent emblématiques de l’histoire de la banlieue parisienne et du divertissement populaire. A côté des quelques historiques qui se sont maintenues, comme Chez Gégène à Joinville-le-Pont, émergent aujourd’hui des guinguettes “nouvelle génération” le long de la Seine, de la Marne et des canaux parisiens, témoin du regain d’intérêt pour la détente et la fraîcheur au bord de l’eau.
Pour aller plus loin
https://94.citoyens.com/2014/a-lire-les-guinguettes-des-bords-de-marne,28-05-2014.html