La Philharmonie de Paris
L’histoire débute avec la vision de Pierre Boulez, chef d'orchestre et compositeur, pionnier de la musique électronique. Dans les années 70 et 80, dirigé par son ambition de créer une salle à l'acoustique exceptionnelle à Paris, il tisse des liens avec François Mitterrand au moment de la création de la Villette et de la Cité de la Musique. Cependant, les contraintes budgétaires amènent l’Etat à privilégier la construction de l'opéra Bastille pour le bicentenaire de la Révolution en 1989, laissant en suspens le rêve de Boulez.
Les années suivantes ne sont pas favorables, mais l’idée persiste grâce à Pierre Boulez. En 2005, l'alignement politique entre la Mairie de Paris et le Premier ministre (Delanoë / De Villepin) déverrouille le projet, désignant l'emplacement et lançant le concours architectural sur une base budgétaire de 110 millions d’euros. Le concours devient un champ de bataille international entre grands noms comme Jean Nouvel, Francis Soler et Zaha Hadid. Le projet de Jean Nouvel l’emporte finalement sur la base d’un coût prévisionnel de 120 millions malgré les réserves des architectes présents dans le jury.
Jean Nouvel choisit l'aluminium comme matériau principal pour la Philharmonie. La conception, fruit d'une collaboration avec Brigitte Métra et plusieurs acousticiens, allie transparence et jeu de lumière. En 2010, le coût estimé grimpe déjà à 180 millions. Il explose au moment du choix de l’entreprise de travaux, quand Bouygues est retenu pour 306 millions. De plus, le chantier se révèle tumultueux : les petites entreprises sélectionnées en 2010 flanchent, Bouygues établit des contrats en direct avec le commanditaire, écartant régulièrement les maîtres d’oeuvre. La controverse s'intensifie, mettant en péril le projet. En 2015, la Philharmonie voit enfin le jour, pourtant sans la présence de Nouvel à l'inauguration. Le coût total s'élève à 386 millions.
Aujourd'hui, la Philharmonie affiche un succès éclatant avec 1,6 million de visiteurs par an en 2019 et un taux d'occupation de 93%. Cependant, les contentieux entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre persistent, avec des réclamations croisées de plus de 100 millions liées aux retards. A la question “Est-il nécessaire de sous-évaluer le coût d'un projet pour le vendre ?”, l'histoire de la Philharmonie offre une leçon complexe sur les compromis entre art, politique et réalité financière.
Pour aller plus loin
https://www.lemoniteur.fr/article/happy-end-a-la-philharmonie-de-paris.2170817
https://www.telerama.fr/sortir/brigitte-metra-l-archi-douee,131956.php
L’Ile Seguin et la Seine Musicale
Terrain étiré de 11,5 hectares entre Sèvres et Boulogne-Billancourt, l’île entière fut le siège de l'emblématique usine Renault qui s’y trouvait jusqu'en 1992. De destination royale à pôle industriel, puis évènementiel, l'île a connu une évolution tumultueuse.
Se trouvant sur la route menant à Versailles, l’île sert d’abord de résidence prisée par l'aristocratie. Sa fonction s’oriente progressivement vers l'industrie avec des blanchisseries, tanneries et industries chimiques, dont celles de M. Seguin, laissant son nom à l'île.
L'industriel Renault acquiert l'île en 1919, érigeant progressivement la plus grande usine automobile de France à partir de 1929. L'usine est autonome ! Elle est dotée de sa propre centrale électrique, de pistes d'essai et regroupe 30 000 ouvriers : une vraie ville ouvrière. Le site est un témoin de l'histoire troublée de la Seconde Guerre mondiale. La production de camions pour les Allemands, les bombardements alliés et la nationalisation de l'usine en 1945 ont laissé des marques indélébiles. Elle devient également un bastion syndical et politique dans la période d’après-guerre, avec les grandes grèves de 1947 et 1968.
A l’instar du secteur, la production du site décline à compter des années 70, jusqu’à l’arrêt complet en 1992. La dépollution et la démolition de l'usine marquent le début des spéculations sur l'avenir du site. Des propositions telles qu'un musée d'art contemporain émergent, mais l'île est finalement ciblée pour recevoir un grand équipement culturel.
Après des années de débats politiques et de négociations, l'île prend aujourd’hui un nouveau visage. L’architecte japonais Shigeru Ban est chargé de créer une icône architecturale pour le site et en 2014, la première pierre de la Seine Musicale est posée par Patrick Devedjian. La visite des jardins en toiture est fortement conseillée !
Le projet de développement de la partie amont de l'île est actuellement en cours. Il se concentrera sur la création d'un campus numérique regroupant un centre d'art, des cinémas, des installations hôtelières et un espace de détente au milieu d'un jardin.
Pour aller plus loin
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/1974862001049/ile-seguin-10-ans
La fondation Louis Vuitton
40 mètres de hauteur pour émerger au-dessus du bois de Boulogne tel un voilier, 12 grandes voiles de verres composées elles-mêmes de 3600 panneaux dont chacun a une géométrie spécifique et un espace d’exposition de 11 800 m² : ce sont les mensurations de la fondation d’entreprise Louis Vuitton conçue par le célèbre architecte Frank Gehry dans un style déconstructiviste au cœur du bois de Boulogne à Paris.
Pratiquant le mécénat depuis de nombreuses années, Bernard Arnault, le patron du groupe LVMH, rêvait de pouvoir exposer ses œuvres et accueillir des expositions à Paris. En 2001 il confie à Frank Gehry son idée pour la construction d’un édifice dans le jardin d’acclimatation. L’architecte va s’inspirer des structures en verre telles que le Grand Palais, et les confronter à son propre style afin de produire en bâtiment en mouvement.
Le défi architectural et technique est immense. Le chantier va durer près de 8 ans et plus de 700 ouvriers vont y participer. On fait appel aux meilleurs spécialistes mondiaux pour concevoir une structure unique en tous points, capable de résister aux aléas climatiques. Le musée est inauguré en grande pompe le 20 octobre 2014. On a laissé quasi carte blanche à l’architecte… Au point de parler d’un budget 8 fois supérieur aux premières estimations frôlant les 800 millions, mais dont les 2/3 seront récupérés sous forme de déductions d’impôts par le groupe LVMH… Pas folle la guêpe.
La fondation accueille entre 1 et 1.5 millions de visiteurs par an. En 2052, à l’issue de la convention d’occupation, la fondation devrait revenir dans le giron de la Ville de Paris.
Pour aller plus loin
https://www.youtube.com/watch?v=lOGQBDCKwv4
L’exposition coloniale internationale de 1931 et le Palais de la Porte Dorée
Le projet d'exposition coloniale est impulsé en France dès 1913, notamment par Henri Brunel, chef de file du « parti colonial » avec l’idée de montrer les bénéfices que rapporte la colonisation à l'économie française. Marseille et Paris se disputent pendant une dizaine d'années le projet. Ce n'est qu'en 1925, pour répondre à la British Empire Exhibition de 1924, que Paris est choisie pour accueillir l’événement. La concurrence entre les deux empires coloniaux fait que les Britanniques refusent de participer à celle de Paris.
La France est alors la seconde puissance coloniale après la Grande-Bretagne. L'Empire français s'étend sur 12,5 millions de km² (soit 22 fois la superficie de la métropole) répartis sur tous les continents et regroupant 65 millions de « sujets français ». Dans le contexte de la crise économique de 1929, le gouvernement cherche par tous les moyens à maintenir la France au rang de grande puissance mondiale.
L’exposition qui en résulte est colossale : dans le bois, autour du lac Daumesnil et le long des maréchaux, on trouve 110 hectares de pavillons à la gloire des colonies françaises et des pays colonisateurs étrangers ainsi que des missions catholiques et protestantes. On y trouve également des reproductions de différents bâtiments : temple principal d'Angkor Vat, mosquées, cases…
L’opposition à l’exposition, et plus largement à l’impérialisme français, s’organise en France autour des dirigeants du PCF, de la CGTU, ainsi que d’artistes comme Louis Aragon, André Breton et René Char, qui s’engagent et nouent des liens avec les contestations des peuples colonisés, liens qui se renforceront jusqu’à la période des luttes de décolonisations.
L’exposition se déroule de mai à novembre 1931 et rassemble 8 millions de curieux. Devant le succès rencontré par le zoo, il est conservé pour devenir le zoo de Vincennes. Au-delà des reproductions architecturales, l’exposition coloniale rassemble également de nombreux "indigènes", exhibés comme figurants et figurantes de leur culture - l’exploitation atteindra le comble de son racisme dans son traitement des Kanaks, transféré.e.s au jardin d’acclimatation, déshumanisé.e.s et présenté.e.s comme des bêtes curieuses “cannibales des mers du Sud”.
Le palais de la Porte-Dorée est construit pour l’exposition, par l’architecte Albert Laprade, dans le style Art Déco. Le bâtiment se présente comme une synthèse de différents styles avec un clin d’œil à l’architecture arabe, car l’architecte a vécu au Maroc. Le bâtiment abrite également un aquarium tropical, toujours visible de nos jours.
Le musée change d’affectation à de multiples reprises, s’éloignant petit à petit des références au colonialisme… Pour finalement être retenu en 2007 pour abriter le musée de l’Histoire de l’immigration. Le musée n’est cependant officiellement inauguré qu’en 2014 par François Hollande.
Pour aller plus loin
https://monument.palais-portedoree.fr/le-contexte-colonial/l-exposition-coloniale-de-1931